(Mini-test) Her story : le retour du FMV ?
Une idée originale de Sam Barlow pour faire renaître le FMV avec Viva Seifert comme actrice principale
Des tests et des réflexions sur le jeu vidéo
Une idée originale de Sam Barlow pour faire renaître le FMV avec Viva Seifert comme actrice principale
Développeur : Sam Barlow
Éditeur : Sam Barlow
Plateformes : PC
Genre : Fiction interactive, détective, enquête
Prends place à ton poste de travail, tu as devant toi les archives datant de l’année 1994 et il t’appartient de réunir toutes les données sur l’affaire de la disparition de Simon Smith.
Les entretiens qui se trouvent devant toi donnent toutes les informations essentielles pour élucider ce mystère.
Pour compiler les données, il te faudra taper des mots-clés dans la barre de recherche de ton ordinateur.
Tout d’abord, quel est ce projet étrange que nous livre Sam Barlow ? et qui est-il ?
Sam Barlow est un concepteur de jeu vidéo, il est notamment connu pour avoir écrit et travaillé sur deux jeux de la série des Silent Hill : Origins et Shattered Memories. Il admet avoir pour inspirations les films de Hitchcock mais aussi de David Lynch dont nous retrouverons les inspirations nettes dans Her Story. Il a également travaillé sur Aisle, un jeu vidéo interactif de 1999.
On retrouve beaucoup d’inspirations pour la construction de Her Story, notamment des polars et films noirs, mais aussi des séries américaines qui mettent un accent tout particulier sur les passages en interrogatoire. Ces références viennent aussi bien de la manière de construire l’ensemble du jeu que de la manière dont l’enquête est construite. Si vous êtes un habitué de ces différents médias, il vous sera assez simple de théoriser sur les événements de Her Story qui méritent tout de même votre attention.
Puisque Her Story se base sur des faits connus, il aura cette capacité à immédiatement vous happer dans son univers. Qui n’a jamais voulu mener une enquête par lui-même ?
De plus, le jeu est construit à partir d’un double problème :
C’est à ce moment qu’intervient une notion qui s’applique parfaitement aux jeux vidéo, et Her Story en est un parfait exemple.
Dans sa nature profonde, l’homme est un être dont le but est de résoudre des problèmes. C’est ainsi que nous avons évolué au fil du temps : nous sommes confrontés à différentes problématiques et nous cherchons instinctivement une solution. En premier lieu pour notre survie, mais aussi pour exercer notre cerveau (nous résolvons des problèmes pour notre divertissement).
Et c’est précisément ce qui va se passer lorsque l’on se confronte à Her story. Quand bien même nous ne serions pas attirés par le format de FMV (full motion video), nous nous retrouvons face à deux problèmes, l’un posé par l’histoire et l’autre par son gameplay ce qui aura pour effet d’inviter directement le joueur à s’impliquer.
Et en tant que joueurs et donc êtres pensants, nous allons automatiquement chercher à corriger ces deux problèmes, le mystère autour du meurtre constitue la « carotte » qui nous force à utiliser au mieux les mécaniques de Her Story. Pour résoudre l’enquête, il nous faut réunir toutes les données. Et dans le même temps, pour réunir toutes les données, il faut comprendre l’enquête. C’est dans cette nécessité d’une double solution que l’on se sent directement attiré par cet univers et ce jeu. Deux problèmes se posent à nous, et il nous appartient d’y remédier.
C’est ici, une base solide sur laquelle repose le game-design, la structure du jeu que Sam Barlow qualifie lui-même d’expérimental est en fait plutôt bien bâtie et sert même de modèle dans le genre.
Tout d’abord, comme je l’ai mentionné plusieurs fois, Her Story est un jeu en FMV. C’est-à-dire qu’il s’agit de plusieurs vidéos capturées avec un ou des acteurs. Genre très populaire avec l’augmentation de la taille des fichiers que pouvait contenir votre jeu. Il a eu ses belles années vers 1990 avant de progressivement s’éteindre et il n’apparaît plus que dans des point’n click ou jeux interactifs comme Late Shift.
Lorsque vous lancez le jeu, vous vous retrouvez devant l’interface d’un vieil ordinateur. Un logiciel est ouvert avec le mot « Murder » écrit sur la barre de recherche. Dès lors, il vous appartient de lancer la recherche et, lorsque cela sera fait, un très grand nombre d’entrées correspondant au mot « Murder » vont apparaître mais seuls 5 de ces résultats vous seront accessibles. Il vous faut alors analyser les clips vidéo allant de 0.3 secondes à 3 minutes et chercher des mots dans ces clips qui peuvent être appropriés à rentrer dans la barre de recherche pour trouver de nouveaux clips. Et ainsi de suite jusqu’à la résolution du jeu.
Les mécaniques sont assez simples et pas très intéressantes quoique novatrices en leurs genres. N’importe qui, ayant utilisé une fois dans sa vie un moteur de recherche, peut jouer à Her story. C’est alors qu’intervient un curieux phénomène. Vous allez vous rendre compte qu’il y a beaucoup trop d’informations à digérer et que des mots ou noms peuvent vous échapper. Alors, comme un véritable enquêteur le ferait, vous vous mettez automatiquement à prendre le premier papier et le premier crayon qui vous tombent sous la main et vous écrivez.
Les noms, les mots, qui était avec qui, quand, où etc… De plus, le gameplay va faire travailler votre cerveau par petites sessions surtout vers la fin du jeu. C’est-à-dire que vous vous arrêtez quelques heures ou jours parce que chercher des mots dans un logiciel ne vous intéresse plus et d’un seul coup, au beau milieu d’une tierce activité, un mot et une idée vous viennent en tête : et si j’essayais ce mot.
C’est alors que l’on se rend compte que notre conscient, lassé de chercher les mots, laisse place à notre inconscient qui lui continue de travailler et veut résoudre le double problème auquel il est confronté.
C’est grâce à ce simple mécanisme inconscient que provoque Her Story que l’on se retrouve devant un jeu expérimental qui fonctionne.
Il y a plusieurs éléments à décortiquer pour parvenir à vos fins. Comme vous l’avez compris, à partir des mots-clés que vous rentrez dans la barre de recherche, ainsi que des vidéos que vous regardez, une histoire va commencer à se construire sous vos yeux.
Les joueurs auront tous une manière différente de construire l’histoire de Her Story puisque, tout comme un puzzle, on ne commence pas tous par les mêmes pièces.
Et c’est là qu’intervient la seule actrice de cette histoire : Viva Seifert.
C’est elle le sujet de toutes les interviews et vous devez alors comprendre son jeu d’actrice pour savoir quand elle ment ou dit la vérité. Le point intéressant est que cela est fait entièrement par votre cerveau de manière automatique et non forcé par un élément de Gameplay.
D’une manière générale dans les jeux d’enquêtes, il vous sera demandé de répondre en appuyant sur une touche pour déterminer si le personnage vous ment ou non. Or ici, il n’y a que très peu d’inputs et le jeu ne vous dira jamais « okay c’est bon tu es sur la bonne voie de l’enquête. » C’est à vous de construire l’histoire, son histoire.
Si l’on peut critiquer le jeu de l’actrice qui ne semble pas de prime abord intéressant parce que surjoué, pas réaliste lors d’une interview. C’est en consultant l’ensemble des documents que l’on se rend compte d’une véritable implication dans son jeu.
Ce qui paraît être du surjeu… l’est en fait. Volontairement, l’actrice va chercher à nous mettre en déroute et reste floue sur certains éléments primordiaux pour votre enquête. Ses mouvements sont bien calculés, le doute est dès lors très vite semé.
Il s’agira interpréter son jeu pour comprendre alors toute l’intrigue bien qu’à la fin, il y a majoritairement deux grandes théories qui ressortent.
Her Story est avant tout pour moi une bonne expérience qui donne un petit coup de neuf au format FMV. Cet article a pour but d’en parler et j’ai espoir qu’au vu de son petit prix (même si je recommande d’attendre des promotions) le jeu soit suffisamment intéressant pour qu’on s’y intéresse. En revanche il faut garder en tête que c’est un jeu de type expérimental et par conséquent très simple d’approche, le Gameplay ne se résume vraiment qu’à rentrer des mots-clés dans une barre de recherche mais l’histoire et la réflexion inconsciente qu’elle apporte permettent une véritable implication du joueur.
Si vous en avez l’occasion, essayez-le !
Points positifs | Points négatifs |
---|---|
(+) Une projet expérimental qui fonctionne bien | (-) Un gameplay qui ne plaira pas à tous (une barre de recherche, un clavier, et des vidéos) |
(+) Un intérêt presque inconscient apparaît en nous | (-) Certaines séquences sont trop difficiles à obtenir « honnêtement » |
(+) On se met vite dans la peau d’un enquêteur | |
(+) L’histoire est intéressante | |
(+) Viva Seifert | |
(+) Une fin ouverte laissant place aux théories |
Note finale : Pas cette fois-ci, le projet ne peut être noté en raison d’une trop grande différence avec les jeux classiques, essayez-le plutôt.
Sources :
Le wikipédia de Sam Barlow (plus détaillé en anglais) — https://en.wikipedia.org/wiki/Sam_Barlow_(game_designer)
Je conseille vivement l’écoute d’un Podcast sur Spotify de l’équipe de FIN DU GAME sur Her story qui explique bien le processus de création et les objectifs du jeu dans une très bonne ambiance : https://open.spotify.com/episode/1wXbU5SDK8uC0mlUt20qRz?si=XyIlbPZ5SRuE051aGVvl0w
Une interview de Sam Barlow à la GDC (Crédits : Engadget) :
Je crois que je n’ai jamais fait un FMV de ma vie. Je ne connaissais pas ce projet. Je ne suis pas sûre que ça soit mon genre, mais j’ai néanmoins trouvé ton article passionnant. L’approche analytique que tu fais est comme toujours très pertinente. Au plaisir de te relire.
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C’est vrai qu’aujourd’hui les FMV n’ont pas un grand succès. Her story est vraiment très particulier en son genre et c’est pour cela que je voulais en parler. En revanche oui, il ne plaira pas à beaucoup de joueurs à cause de son gameplay trop répétitif et pas franchement amusant. D’ailleurs, il y a eu un second jeu : Telling lies qui reprend la même formule et a beaucoup moins plu, le genre s’essouffle très vite.
Merci beaucoup ! Ça fait vraiment plaisir de savoir que les articles sont lus et appréciés.
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