Développeur : Tarsier Studio

Éditeur : BANDAI Namco

Plateformes : PS4 / XBOX / PC / SWITCH

Genre : Horreur, plateformes, Puzzle

Il s’est échappé, m’a filé entre les doigts bien trop de fois. Je l’apercevais là, au loin, comme s’il me narguait et pourtant jamais je n’arrivais à m’en emparer. Dès l’instant où je détournais le regard sur un nouveau jeu, Little Nightmares était présent, bien installé sur mes appareils, mais jamais je ne parvenais à lancer le jeu.

La proposition qu’il me fit alors était troublante :  » viens passer quelques heures avec moi, tu ne regretteras pas d’être effrayé  » me dit-il.
Je suis pourtant un bien grand habitué des jeux d’horreur, c’est même un thème faisant partie intégrante de mes sélections dans le jeu vidéo et de certaines lectures. Mais alors qu’avais-tu donc, Little Nightmares, à me proposer pour que je ne me sente pas en terrain connu ?

L’invitation acceptée, manette en main, j’entrai dans cet univers pour le moins fantastiquement glauque, et c’est avec plaisir que j’entame ce test-analyse sur le jeu vidéo Little Nightmares de Tarsier Studio. Prêt pour un petit cauchemar ?

Léger disclaimer avant de commencer, cet article comportera des images potentiellement choquantes pour certaines personnes, je vous invite à ne pas lire l’article si c’est le cas pour ne pas choquer. Sinon, bonne lecture à vous !

Quelle est donc la proposition ?

Little Nightmares est un jeu de plateforme qui se démarque par son ambiance et sa narration cryptiques. La sublime direction artistique du jeu vient contraster férocement avec les décors sales, les monstres hideux et l’aspect poreux des lieux. En termes de gameplay pur, à l’image d’un Unravel, Limbo, vos possibilités sont de pouvoir vous accroupir, sauter, vous agripper aux objets (et les déplacer), allumer votre briquet (dont l’utilité est moindre). Ces options pour le moins classiques vous permettent donc de venir à bout des différents puzzles proposés par le jeu.

Cependant, les développeurs ont pris le pris le parti d’intégrer une notion de profondeur au jeu. L’univers n’est donc plus uniquement en 2D, mais bien en 3D. Cela amène une légère nouveauté qui mériterait une plus grande exploitation dans ce type de jeu mais triste est de remarquer que dans Little Nightmares, le résultat de cette idée est mitigé.
En effet, ajouter de la profondeur mène indubitablement à une certaine incompréhension de l’espace, le joueur se repère plus difficilement et il est nécessaire de prendre le temps de s’adapter et de mesurer certains sauts pour éviter une chute malencontreuse.
Cet élément peut donc être frustrant au début et lors de certains passages où courir sans tomber devient compliqué, notamment lors des fuites face aux monstres.

En revanche, je tiens à souligner que ceci, avec quelques checkpoints hasardeux sont les seuls légers problèmes rencontrés dans Little Nightmares. Le jeu se démarque avant tout par une proposition des plus alléchantes sur son univers pour le moins étrange et une narration laissant libre cours à votre imagination.

Un univers à part entière ?

Bien que je souhaite éviter la comparaison directe avec Limbo et Inside de Playdead, il m’est difficile de ne pas reconnaître les similarités, aussi bien dans le gameplay que dans l’univers. Si vous aimez un de ces deux jeux, foncez sur Little Nightmares.

Mais l’on ne s’arrêtera pas là sur les références. On notera également que l’ambiance du jeu rappellera forcément des souvenirs du film La cité des enfants perdus de Jean-Pierre Jeunet, d’une patte graphique proche des films de Tim Burton et donc forcément, des contes de Edgard Allan Poe. Le design des Boss lui m’a rappelé certains tableaux de Francis Bacon, pour le côté décharné.

Ce qui est intéressant n’est pas vraiment toutes les similitudes mais plutôt la manière qu’a Little Nightmares de se différencier de ses prédécesseurs, j’évoquais le gameplay plus haut, mais ce sont avant tout les « Boss » et l’ambiance cauchemardesque du jeu qui en font un must have.

Heureusement pour moi, je n’avais pas un micro actif, j’ai hurlé.

Quand l’horreur devient un élément intuitif

Il me semble important de décrire les premières choses qui vont vous sauter aux yeux, l’ambiance de ce jeu tourne essentiellement autour du glauque et cryptique. On ne comprend pas tout, c’est à nous de figurer les différents éléments. Nous sommes ici dans la frontière entre le réel et le fantastique (dans ses plus sombres aspects). J’entends par là que rien n’est fondamentalement réaliste dans votre aventure mais tout s’appuiera sur les éléments de notre réalité.
Les cauchemars les plus terrifiants sont par ailleurs, vous me le confirmerez, souvent imaginés depuis notre monde. C’est dans cette idée de vivre la face sombre, dissimulée de notre monde que Little Nightmares effectue une proposition des plus intéressantes.

Plutôt que d’essayer de vous décrire cette manière de concevoir l’horreur, je vais analyser deux images très brièvement qui vous donneront une bonne idée de ce qu’est ce jeu.

Ce plan apparaît vers le début de notre aventure, il représente pour moi la quintessence de ce jeu et me permettra de développer l’un des aspects les plus original de ces dernières années : l’intuitif-horrifique.
Si vous me pardonnez cette expression venue directement après mes sessions de jeu, en voici l’explication.

Nous nous retrouvons ici dans cette pièce, avec un homme visiblement pendu, ayant laissé une lettre. Il n’avait l’air de ne posséder qu’un matelas vers lequel ses chaussures sont tournés (indiquant un manque de volonté de sortir). A ce moment-là, les jeux vidéo, d’une manière générale, vont soit accentuer l’horreur de la scène par une musique tragique, soit tenter un screamer en faisant tomber le cadavre.
Ici, il n’en est rien, le joueur se retrouve confronté à cette ambiance et n’a que son imagination pour comprendre. Mais en plus de cela, il sait qu’il doit partir de là pour poursuivre l’aventure. Deux éléments paraissent alors évidents : la porte devant vous, dont la poignée est trop haute, et… la chaise du macchabée dont il vous faudra vous saisir.

Notre sens moral nous interdirait tout simplement de retirer la chaise du pendu, ce serait là un manque de respect beaucoup trop évident envers cette personne. Pourtant, en entrant dans cette pièce, après le choc de la découverte, il s’agira là de la première chose à laquelle vous penserez : et si je me servais de sa chaise pour ouvrir la porte ?

C’est cela que je nomme l’intuitif horrifique, nous comprenons immédiatement ce qu’il faut faire quand bien même notre éthique nous pousserait à ne pas le faire. Repoussant alors les limites de notre propre morale, Little Nightmares effectue ici une proposition des plus intéressantes ! Cet élément sera repris sur l’ensemble de l’aventure donnant alors au jeu une réelle plus-value.

Le parallèle entre le joueur qui s’efforce d’avancer dans l’horreur et le personnage qui petit à petit sombre dans cet univers est d’autant plus marqué par ces éléments.

Pour survivre, le personnage est prêt à tout. Pour progresser dans l’aventure, le joueur est prêt à tout. C’est ici un excellent procédé visant à réunir joueur et personnage en une seule entité.

Qui se dissimule vraiment ?

Little Nightmares

Lors de mes sessions de jeu, une petite question m’est apparue : que veut donc dire Little Nightmares ? Bien sûr, la traduction directe serait « Petits Cauchemars ». Mais ce titre mérite que l’on y jette un coup d’œil.

En effet, au fil de notre aventure nous ne pouvons décemment pas appeler cette aventure un petit cauchemar, nous sommes ici dans le palais de l’horreur et j’espère de tout cœur que personne n’a ce genre de rêves. Cependant, nous y contrôlons un petit personnage, dans un cauchemar ? Serait-ce donc « Le petit dans les cauchemars » ?

Il y a plusieurs solutions de traduction qui mèneront toutes à une interprétation différente et je trouve extrêmement intéressant le fait que cet élément cryptique vienne jusque dans le titre de l’œuvre. Ainsi chaque joueur est en droit de se poser des questions sur ce jeu, son univers mais surtout sa narration.

Je pense qu’ici, il me serait difficile d’élaborer des théories sur le jeu, tout est sujet à interprétation et vous verrez donc le jeu sous un regard différent en fonction de qui vous êtes, votre parcours, personnalité mais aussi votre état du moment. Je suis à peu près certain que si je relance le jeu dans 10 ans, j’y verrai encore autre chose et je trouve cela passionnant.

*****Spoil de la progression *****

Pour l’heure, je vois en Little Nightmares un fond rejoignant l’idée de Nietzsche que j’avais déjà évoqué dans le test sur Abzû :

Quand on lutte contre des monstres, il faut prendre garde à ne pas devenir monstre soi-même. Si tu regardes longtemps dans l’abîme, l’abîme regarde aussi en toi.

Mais cette fois-ci, la citation prend une tournure beaucoup plus fataliste. En effet, on observera petit à petit une dégradation mentale de notre protagoniste, tiraillé par ce qui semble être un appétit dévorant, celui-ci n’a d’autres choix que de sombrer dans ce cauchemar pour pouvoir y survivre. Cela au point que lui-même devient le monstre.

Si l’homme qui a le choix de ne pas devenir monstre en ignorant les ténèbres de ce monde. Qu’en est-il de celui qui baigne dedans ? Est-il fondamentalement condamné à errer dans le mal jusqu’à l’incarner ?

Ce sont là des questions que le jeu pose indirectement, lorsque la folie semblait guetter notre personnage (Six de son nom), je me demandais toujours s’il n’y avait pas d’autres solutions. Notre héros était-il dès lors condamné depuis le début de son aventure ?

C’est également une interrogation qui revient dans de nombreuses œuvres et qui je pense, continuera de diviser les individus. On prendra l’exemple d’un Batman the Dark Knight : Soit on meurt en héros, soit on vit assez longtemps pour se voir endosser la peau du méchant.

***** Fin du spoil de progression *****

Les monstres

Little Nightmares, par son univers cryptique, se présentait également comme un jeu où l’on se retrouve à fuir d’horribles créatures. Bien qu’elles soient toutes réussies, je dois dire que je m’attendais à en voir plus. Ce point sera d’ailleurs corrigé avec l’épisode suivant.
Pour autant, ceux présents ne sont pas du tout décevant et apportent leurs lots de moment bien flippant. Différentes peurs plus cauchemardesques les unes que les autres sont bien représentés et les monstres sont tout bonnement effrayants.

Que ce soit au niveau des bruitages comme de la gestuelle, tout en eux évoque l’horreur. Ils l’incarnent parfaitement. De plus, ils permettent au jeu d’avoir une mise en scène très réussie qui risque de vous couper le souffle par moment tant la tension est présente !

(Je signale quand même que certaines de leurs animations font un peu robot qui se tourne, ce n’est pas grave mais fragilise l’ambiance.)

Enfin, ces créatures monstrueuses ne sont pas seules puisque d’autres petits monstres viendront à votre rencontre, certains hostiles, d’autres non. Il y a de plus amples informations à leur sujet lorsque l’on parcours les extensions.

Les extensions, une bonne idée ?

Avec une durée de vie aux alentours de 4-5h, Little Nightmares est un jeu très court qui risque de vous surprendre par sa rapidité. L’idée de trois extensions rajoutant donc du temps de jeu est la bienvenue pour tous ceux qui souhaitent s’y replonger.

Sauf que là, ça marche moins bien. Vous y incarnez un autre personnage (le fugueur) dont vous découvrez la destinée qui essaie de s’enfuir en parallèle de votre protagoniste (Six) du jeu de base. Les connexions entre les deux chronologies se font correctement et il est plaisant de voir tous ces éléments s’opérer en même temps.

Cependant, c’est au niveau du gameplay que le problème se pose. Principalement lors du second niveau des extensions. En effet, si le gameplay est fondamentalement le même, cette fois-ci vous pouvez cajoler de petits monstres de sorte qu’ils vous aident dans vos opérations.

Or, on dirait que le jeu n’a pas du tout été fait pour cela, le pathfinding (chemin qu’emprunte les IA) est raté et elles peineront à effectuer certaines des actions voulues. La profondeur qui était déjà un élément mitigé dans le jeu de base se retrouve encore plus compliquée à gérer lorsqu’il faut lancer l’une des créatures dans une direction précise.
Enfin, même si ces trois extensions restent agréables à parcourir et que la fin vaut le coup, on ne peut que regretter que tous ces petits éléments deviennent si compliqués.

Les énigmes perdent en intuitivité, on se met à réfléchir sans savoir qui (des monstres ou de nous) doit réellement effectuer l’action pour la résoudre et dans quel ordre le faire. C’était là pour moi l’élément clé du jeu, et il se perd dans ces extensions). Mais elles sont à faire !

Vous m’avez fait galérer, mais je vous aime quand même

Conclusion

Alors en résumé, qu’est-ce que j’ai pensé de Little Nightmares ?
Un jeu assez court mais très intéressant, on le suit avec plaisir et frissons. Son monde hostile et sa narration cryptique à souhait en font un univers rafraichissant dans le médium du jeu vidéo, il fait pour moi partie de ses jeux que vous devez faire au moins une fois, ne serait-ce que pour cet environnement.

A ne pas mettre entre toutes les mains, le jeu est provoquant, intriguant et diablement addictif. Ses quelques défauts ne sont pas rédhibitoires pour le joueur qui s’y essaiera et on trouve toujours une raison de relancer une petite session.

La direction artistique est une franche réussite qui vient rappeler le retour en force des jeux 2D avec Unravel, Ori, Inside etc…et prouve une fois de plus que l’horreur n’est pas nécessairement en vue à la première personne.

C’est donc avec un grand plaisir que je conclue ce test par un jouez-y vous n’allez pas le regretter. Mais il vous faudra être prudent où l’un des monstres viendra vous hanter pendant un bon moment…

Point positifsPoints négatifs
(+) Une intuitivité du level design(-) Des extensions moyennes
(+) Une direction artistique impeccable(-) L’aspect 3D profondeur apporte de la confusion au gameplay
(+) La narration cryptique a son effet(-) Quelques checkpoints hasardeux
(+) Des boss effrayants
(+) De bonnes énigmes

Vous en voulez plus ?

Je vous invite à consulter le wiki de Litte Nightmares si jamais vous souhaitez en apprendre plus sur son univers et également l’énorme dossier du site Little Gamers sur le sujet !

Little Gamers dossier Little Nightmares : https://littlegamers.home.blog/2021/03/03/dossier-3-little-nightmares-lanalyse-dune-saga-cryptique/

Wiki Little Nightmares : https://little-nightmares-fr.fandom.com/fr/wiki/Wiki_Little_Nightmares_FR

5 commentaires »

  1. Hello, je n’ai pas eu l’occasion d’arpenter ton blog dernièrement mais j’ai pris grand plaisir à lire ton analyse de Little Nightmares, un jeu que j’affectionne particulièrement. C’est amusant car on découvre toujours de nouvelles façons de le comprendre ou l’interpréter. En revanche, les mouvements saccadés et robotiques des monstres ne sont-ils pas volontaires ? As-tu eu l’occasion de jouer au deuxième opus ? Et merci pour le lien !

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    • Hello, ça fait plaisir de te revoir et merci beaucoup pour ta lecture ! C’est sûr que mon interprétation n’est qu’une des possibilités, le jeu a tellement d’idées tout en restant le plus discret possible que chacun est libre d’y voir un peu ce qu’il veut, et c’est d’ailleurs un très bon point.
      Je me suis posé la question aussi par rapport aux mouvements des monstres. Je pense que certains des mouvements étaient volontairement robotisés (notamment le premier gros monstre), mais il y avait des instants de poursuite où ça ressemblait (selon moi) à un problème de pathfinding mais je peux totalement me tromper. ^^

      Je n’ai pas encore eu l’occasion de faire le deuxième opus, pour être honnête j’attends une bonne promotion dessus pour me lancer, mais je sais que ce sera avec grand plaisir. Selon toi, le 2 est meilleur que le premier ?

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      • Le plaisir est partagé ! Je ne saurais te dire car je n’ai pas vraiment l’œil affuté pour repérer les petits problèmes techniques. A vrai dire, même les problèmes de profondeur du premier ne m’avaient pas sauté aux yeux. Et pourtant, tu n’es pas le seul à t’en plaindre. A ce qu’on dit, le deuxième opus a justement réglé ce problème. Il est plus abouti techniquement. Or, la musique, la direction artistique, les ennemis restent fidèles à eux-mêmes ou sont peut-être même encore mieux. J’ai vraiment eu un coup de cœur pour le deux qui tisse une histoire vraiment saisissante tout en demeurant cryptique. J’ai hâte d’avoir ton avis.

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        • Ce sont en effet de légers soucis techniques mais je ne pense pas pouvoir réellement les reprocher au jeu. Il y a vraiment beaucoup d’éléments intéressants et de clés de lectures possibles dans cette série de jeu et avec ce que tu me dis, je suis persuadé que le second opus sera très agréable à faire. Tu me donnerais presque envie de l’acheter immédiatement ^^

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