1. Ce que nous pouvons voir
  2. Les symboliques possibles des éléments (partie inférieure)
  3. Les symboliques possibles des éléments (partie supérieure)
  4. L’interprétation
  5. Conclusion

Mais quelle cinématique d’introduction ! Tout juste après avoir récupéré votre exemplaire de Final Fantasy X, vous courrez vers votre PS2, vous insérez le disque et voilà que la superbe composition de Nobuo Uematsu pénètre vos tympans !
De beaux souvenirs à n’en pas douter et pourtant ce ne sont pas les miens. En effet, je n’étais déjà plus très jeune lorsque j’ai lancé cet opus de la saga Final Fantasy pour la première fois, on peut même dire que je l’ai découvert sur le tard, en décembre 2018. Malgré tout, depuis cinq ans, je prends toujours un moment pour regarder de nouveau certaines cinématiques du jeu. L’attaque durant la cérémonie de mariage, la baignade entre Yûna et Tidus ou bien la danse pour envoyer les âmes des morts vers l’au-delà. Elles sont pratiquement toutes mémorables et mériteraient une attention particulière.
Cependant, aujourd’hui, nous allons discuter de la première cinématique visible de Final Fantasy X. Bien que les évènements qu’elle relate n’apparaissent que tard dans l’aventure, c’est cette cinématique qui fut choisie en guise de premier élément immersif dans l’univers de cet opus.
De plus, celle-ci apparaîtra deux fois au cours de votre aventure, lorsque vous lancez le jeu mais aussi à un moment précis de son histoire. Cela ne fait que confirmer nos soupçons sur son importance.

Nous y voyons différentes armes posées au sol, un groupe hétéroclite assis autour d’un feu de camp, un jeune homme qui s’en va sous le regard attristé d’une jeune fille et le tout, sans aucune parole prononcée. C’est certain, cette introduction ne laisse aucun joueur indifférent. D’innombrables questions nous viennent à l’esprit : qui sont ces gens ? Pourquoi ce silence ? Et surtout, que veut dire ce regard empli de tristesse ? Si vous êtes ici, vous le savez, une image – une interprétation a pour but de nous aider à interpréter les éléments d’un jeu contenus dans une image.

Notre sujet d’étude est l’image ci-dessous :

Pas à pas, nous allons prendre ensemble le temps de découvrir cette image et d’en extraire un maximum d’informations,puis nous en dégagerons une interprétation. Vous êtes prêts ? Commençons !

Ce que nous pouvons voir

Au premier plan nous pouvons observer six personnages assis. Pour simplifier cette analyse, je me permets de donner les noms des différents protagonistes. Le groupe est ainsi composé :

  • Une jeune femme à droite sur un rocher (Lulu)
  • Deux jeunes filles, une tout à gauche (Yûna) et une au premier plan de dos (Rikku)
  • Un jeune homme à côté de Lulu (Wakka)
  • Un homme d’âge mûr au fond (Auron)
  • Une bête au premier plan de dos (Kimahri)

Nous avons donc ici un groupe tout à fait atypique. Ces individus sont réunis autour d’un feu de camp et tous les regards sont dirigés vers celui-ci. Les têtes sont baissées à l’exception de celle de Yûna qui semble regarder tout droit (son champ de vision est donc ouvert à l’ensemble du groupe).
A la gauche des personnages, nous pouvons remarquer une épée, un sceptre et un ballon plantés au même endroit. Connaissant l’univers des Final Fantasy, nous pouvons immédiatement en déduire qu’il s’agit des armes de nos personnages (le ballon y compris). Nous notons en revanche que seules trois armes sont disposées pour un total de sept personnages à l’écran.
L’espace dans lequel se situent les protagonistes semble aride, rocailleux et sans aucune végétation. Ils ne peuvent pas voir l’arrière-plan du fait d’un monticule derrière lequel ils campent. Enfin, ils se situent tous les six dans la partie la plus ombragée de l’image.

Poursuivons maintenant jusqu’au second plan. Juste derrière les six personnages, situé sur une sorte de colline, nous retrouvons un jeune homme (Tidus) dont le regard porte vers l’horizon. Spatialement, il est en position de hauteur par rapport aux autres personnages. Il est placé dans une zone lumineuse. Enfin nous pouvons voir une petite lumière fugace devant lui qui semble se diriger vers l’arrière-plan.

Le fond de l’image est assez simple à analyser. Nous remarquons les ruines de ce qui parait être une ville. La présence de pointes par trois fois sur les toits suggère une connotation religieuse de ce lieu. Il semble également qu’un cours d’eau eut été présent mais il se trouve être désormais desséché. Aussi, nous pouvons observer une sorte d’aura entourant les ruines. Pour finir, le ciel est à la fois ocre et couvert.

Les symboliques possibles des éléments (partie inférieure)

Maintenant que nous avons pris le temps d’observer l’image, il est temps d’en décrypter les éléments.

Commençons par les armes plantées dans le sol. Ce n’est sans doute un secret pour personne, des armes ainsi disposées peuvent évoquer trois idées différentes dans un scénario. Elles peuvent être le signe d’un abandon, d’une pause ou bien d’un accomplissement d’une quête. Nos personnages ne semblent pas particulièrement joyeux alors nous pouvons d’ores et déjà éliminer l’accomplissement de la quête. Nous pourrions néanmoins considérer cette idée dans le cas d’un sacrifice qui aurait été nécessaire, rendant la victoire moins festive.
La réponse est donnée un peu plus à droite. En effet, Le feu de camp et la position assise de nos personnages suggèrent plutôt la seconde possibilité : la pause.

Le feu de camp revêt une grande importance sur notre perception en tant que spectateur. Il est le lieu de repos autour duquel les voyageurs se retrouvent pour échanger, se nourrir, se reposer. En bref, c’est un élément renforçant le lien social et favorisant la survie de l’homme dans la nature.
Le feu évoque différentes symboliques. Il peut être symbole de la destruction (incendie), symbole de la vie, de l’amour mais aussi le symbole de l’intelligence de l’homme (Voir mythe de Prométhée et Épiméthée). Sauf qu’ici… le lien social ne semble pas vraiment présent et on ne peut pas dire que ce soit très vivant comme rendez-vous autour du feu.
En effet, ce « manque d’ambiance » fabrique un effet d’oxymore chez le spectateur. La gaieté du feu de camp est remplacée par la morosité du silence. Ce simple paradoxe amène à lui seul de nombreuses interrogations sur les évènements vécus par les campeurs. Le feu est-il ici, synonyme de la consumation de quelque chose ? L’espoir ?

Qu’en est-il de nos six protagonistes ? Ils regardent tous dans la direction du feu de camp, les regards ne se croisent pas. La situation semble particulièrement gênante et un abcès doit sans doute être crevé. Détail supplémentaire, aucun de ces personnages n’est en capacité de regarder la ville. En effet, un monticule en cache la vue. Il se pourrait donc que cette ville représente l’obstacle que les héros redoutent au point d’être incapable de la contempler. Oui mais pourquoi ?

La réponse à cette question, nous pouvons sans doute la trouver dans la partie supérieure de l’image. Vous noterez que le rocher dont je viens de parler coupe l’espace horizontalement entre les six personnages et le septième, qui se tient sur le rocher.

Les symboliques possibles des éléments (partie supérieure)

Tout d’abord la position verticale de Tidus. Contrairement aux autres personnages, il est le seul à se tenir droit, face à la ville. Se tenir droit est une posture bien particulière. Elle représente l’ascension de l’homme en tant qu’espèce se tenant au-dessus du règne animal. Mais elle peut également être interprétée comme le point de connexion entre le ciel et la terre (le haut et le bas). Par extension, nous pouvons dire que se tenir droit montre une forme de résolution, puisque physiquement nous subissons la gravité et en se tenant debout, nous choisissons de lutter contre ses effets.
Autrement, nous serions écrasés par cette gravité, que l’on peut sans doute identifier comme métaphore de la culpabilité ou du doute dans le cadre de notre image. Cela, les personnages présents dans la partie inférieure de l’image semblent le montrer à la fois par le regard dirigé vers le bas en plus de la position assise, symbole de repos.

Puis, nous avons la petite lumière qui flotte dans le ciel. Elle ne semble aucunement être un effet physique de réfraction de la lumière. Dans ce cas, elle représenterait un élément magique ou spirituel. Notre idée de sa symbolique se précise avec les trois clochers du fond et le « trait » de lumière qui circule juste en-dessous. Cette lumière serait donc d’ordre spirituelle et se dirigerait vers ce lieu hautement religieux. Ainsi, nous pouvons l’interpréter comme la manifestation d’une âme ou d’un esprit rejoignant d’autres esprits au sein de ce lieu sacré. Cependant, il convient de se demander pourquoi cette âme isolée se situe devant Tidus et non pas devant les autres personnages ? Les deux auraient-ils un lien quelconque ?

Enfin, il nous reste à analyser la dernière symbolique : la couleur ocre du ciel. Je vais faire intervenir ici Georges Romey, auteur d’un Dictionnaire de la Symbolique.

« Quand apparaît l’ocre dans un scénario, le praticien peut être assuré qu’il assiste à l’un des épisodes décisifs de la dynamique d’évolution. Il doit porter son interrogation sur la nature de l’ambition exacerbée par laquelle le patient épuisait jusqu’alors ses énergies. Celui-là est prêt à reconnaître le vrai visage de sa puissance, celui qui prend les traits de l’authenticité. »

Georges Romey, Dictionnaire de la Symbolique,le vocabulaire fondamental des rêves, Tome 1 : couleurs, minéraux, métaux, végétaux, animaux Albin Michel, 1995. https://www.luminessens.org/post/2017/03/09/ocre

La couleur ocre nous interroge donc sur les motivations du ou des personnages en montrant que nous arrivons à un aboutissement de cette réflexion. Tidus aurait alors atteint un point culminant de son voyage. Il est également le seul personnage à se trouver dans la lumière. Le but de son voyage était-il de retrouver cette ville en ruine ? Si oui, que peut-elle impliquer pour que six de nos personnages sur sept semblent autant désolés.

L’interprétation

Inutile de dévoiler du contexte ici, l’image nous donne déjà toutes les réponses nécessaires à la compréhension de l’aventure. Passons sans plus attendre à l’interprétation de cette image.

Les lumière se dirigent vers le lieu de culte, les voyageurs sont arrivés jusqu’ici et font un feu de camp : nous sommes face à une scène représentant l’aboutissement d’un pèlerinage.
L’oxymore de la morosité du groupe autour du feu nous permet d’affirmer que ce pèlerinage ne s’est pas passé comme prévu. A l’exception de Tidus, tous se cachent du lieu sacré, ils ne le voient pas et ne peuvent être vus de lui. Cela signifie que la tristesse ressentie par les personnages est directement liée à ce lieu et à ce qu’il implique.
Le fait que seul Tidus regarde la ville montre qu’il possède un lien spécial avec ces lieux. Quelque chose de profond et qui le force à se lever, se tenir debout. Par sa posture verticale et la présence de cette lumière, il fait le pont entre le ciel et la terre, le monde des vivants et le monde des morts. Nous pouvons en déduire que le jeune homme connaissait cet endroit avant qu’il ne tombe en ruine. Dans ce cas qui est Tidus ? S’il est le rescapé d’une civilisation, pourquoi revient-il après autant d’années ?

La couleur ocre et son déplacement vers la ville permet alors de comprendre que Tidus a été motivé à effectuer ce pèlerinage pour retrouver cette ville. Son déplacement dans la cinématique montre qu’il a besoin de voir cela de ses propres yeux. Il ne reste alors qu’à comprendre la clé de l’énigme : quel est l’élément de cet image représente la raison de toute cette tristesse alors même que le voyage est terminé ? Je pense que cet élément est à la fois dans l’image et en dehors. Il s’agit du regard de Yûna et de celui que l’on lui porte.

Pourquoi, de tous les personnages, personne n’a le regard tourné vers elle ? Même la plus proche de cet aspect, Lulu, regarde vers le bas alors même que Yûna regarde devant elle, donc l’ensemble du groupe.
Nous pouvons en déduire que l’ensemble des campeurs se trouve dans une phase de doute concernant directement Yûna ET la ville qui se trouve derrière eux. En revanche Yûna, par son regard, semble plutôt concernée par le groupe lui-même.

Comme nous analysons une image tirée d’une cinématique, il me semble important de ne pas oublier ce qui précède l’apparition de l’image soit le changement de position de Tidus, sa main qui se pose sur l’épaule de Yûna comme signe d’encouragement tout en ne la regardant pas directement.

Il y a une réalité que personne ne veut affronter, et celle-ci va se passer dans ce lieu. Des personnages, probablement Yûna et Tidus peuvent mourir. Le regard de Yûna indique qu’elle pense aux autres et est donc prête à se sacrifier pour eux. Si la mort n’est pas directement montrée, tout semble indiquer que ces deux personnages sont résolus à accomplir quelque chose de grand. Cette ville en ruine pourrait constituer l’aboutissement de la quête. Mais tous ne semblent pas d’accord avec ce que cela implique.

Conclusion

Nous pouvons tirer de nombreuses interprétation de cette image. Tous les éléments semblent indiquer que Tidus a une relation particulière avec la ville en ruine, mais aussi avec les âmes qui y circulent. Cela nous interroge sur l’appartenance de Tidus à ce monde. Également, il est quasi certain que Yûna va affronter une terrible épreuve de foi que tous redoutent.
Cependant, nous voyons avec cet article les limites du format « une image – une interprétation » puisqu’il semble nécessaire d’observer l’entièreté de la cinématique pour en déduire plus de choses et confirmer ou infirmer certaines théories.

J’ai beaucoup apprécié rédigé cet article, les images de Final Fantasy X sont particulièrement riches en symboliques. La mise en scène, la musique ainsi que la puissance de l’histoire de cet opus en font un petit bijou à part entière qui mérite encore de nombreuses analyses. Bien que l’interprétation ne soit que partielle, du fait des limites de l’image, j’ai trouvé fascinant de voir ô combien d’éléments scénaristiques dans cette simple image introductive.

J’espère que l’article vous aura plu, si vous avez des interprétations à partager, des commentaires à soumettre sur un manque de précision, n’hésitez pas. Ces articles se construisent à plusieurs selon moi et ne devraient pas être de mon simple fait !

A la prochaine !

2 commentaires »

  1. Très bonne analyse. Découvrir une cinématique de FF, à l’époque, c’était quelque chose. Et ça rend nostalgique. Aujourd’hui, on voit peu de différences entre cinématiques et gameplay. Certains jeux sont même bourrés de cinématiques. Elles sont donc moins rares, moins mises en valeur et peut-être pas aussi mémorables ou significatives qu’à l’ère de la PS2, par exemple.

    Aimé par 1 personne

  2. Merci beaucoup ! Tu mets le doigt sur un point auquel je n’avais pas pensé, les cinématiques étaient à l’époque un vrai trésor de mise en scène comparé aux phases de gameplay. Maintenant, on se retrouve avec la mise en scène intégrée avec le gameplay, probablement depuis l’époque PS3 avec les Uncharted. De ce fait, comme tu le soulignes, avons-nous autant de souvenirs lors de ces séquences de mise en scène que lors des scènes cinématiques où la manette est lâchée comme dans FF justement ?
    Pour autant, je pense qu’on y gagne en immersion. Dans les Far Cry par exemple, c’est ce mélange cinématique / gameplay qui favorise l’implication du joueur selon moi. Les cinématiques se font de plus en plus rares… C’est intéressant en tout cas, je vais creuser !

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